Abonnés, vous avez des droits!

Consommateurs vous avez des droits : Les clauses purement potestatives des contrats d’adhésion demeurent abusives !

Selon l’article 1434 du code civil du Québec, « Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité ou la loi. » Il s’agit du principe de la force obligatoire des contrats.

Nous pouvons nous poser la question suivante : Dans un contrat d’adhésion, une clause de modification unilatérale en faveur du professionnel est-il toujours opposable au consommateur ?

Le 8 mai 2017, la Cour d’appel a rendu une décision renforçant les droits des consommateurs face aux fournisseurs d’accès internet et d’une manière générale, face aux professionnels.

En 2003, Videotron a lancé un forfait internet, IHVE (Internet Haute Vitesse Extrême) qui permettait aux abonnés ayant souscrit à ce service d’avoir un accès illimité à internet. L’entente (ou l’engagement) prenait la forme d’un contrat à durée déterminée de 12 ou 24 mois. Le contrat comportait une clause de modification unilatérale (article 3.9) permettant à Videotron d’apporter des changements au forfait à tout moment, à condition d’adresser un avis de modification aux abonnés 30 jours avant la date d’entrée en vigueur de la modification. La clause permet aux abonnés de résilier le service dans les 30 jours suivant la réception de l’avis de modification et ce, sans frais.

Le 28 juin 2007, Videotron décide d’annuler l’accès illimité et d’instituer une limite mensuelle de 100 Go aux utilisateurs du forfait IHVE et des frais de 1,50$/Go consommé au-delà de la nouvelle limite mensuelle fixée. Le 14 août 2007, les abonnés reçoivent un avis de modification du forfait IHVE. Les personnes ayant souscrit le service entre le 28 juin et le 14 août 2007 n’ont pas été informées de l’intention du fournisseur de supprimer l’accès illimité à internet.

Dans les 30 jours suivant la réception de l’avis de modification, certains abonnés résilient sans frais leur abonnement, d’autres choisissent un autre forfait leur permettant, moyennant 30$ supplémentaires de maintenir un accès illimité à internet mais à une vitesse inférieure à celle du IHVE.

Entre les mois d’octobre 2007 et de juin 2008, une partie des abonnés résilient leur abonnement mais doivent payer 120$ car étant hors de la période de résiliation sans frais prévue au contrat. Par ailleurs la facturation de 1,50$/Go supplémentaire a rapporté à Videotron 1 225 201$.

Dès le 22 août 2007, une demande d’autorisation d’exercer une action collective a été introduite. L’autorisation a été accordée le 30 mai 2011.

L’honorable juge Pépita G Capriolo de la Cour supérieure de Montréal a tranché en faveur des consommateurs et a considéré que l’article 3.9 du contrat de Videotron n’était pas opposable aux abonnés car il violait les articles 12 et 40 de la Loi sur la protection des consommateurs. De ce fait, Videotron ne pouvait procéder à la modification unilatérale du forfait IHVE.

Videotron a fait appel du jugement de la Cour supérieure, ce qui a donné lieu à la décision de la Cour d’appel du 8 mai 2017.

Il s’agissait pour la Cour de déterminer si la juge de première instance avait erré en considérant la clause contractuelle invoquée par Videotron pour modifier de façon unilatérale le forfait IHVE comme étant inopposable aux consommateurs en vertu des articles 12 et 40 de la LPC.

La Cour d’appel est formelle : la Loi sur la protection des consommateurs étant d’ordre public, ses articles 11.2, 12 et 40 ne peuvent être contournés par des stipulations contractuelles.

Autrement dit, un professionnel ne peut, alors que le consommateur est engagée sur une durée déterminée, s’octroyer dans une clause contractuelle, le droit de modifier unilatéralement l’objet, le prix, la nature ou l’étendue de ses obligations envers le consommateur; à moins que la clause ne soit suffisamment précise pour que, à la date à laquelle le consommateur signe le contrat, il peut savoir exactement quel va être le changement et quand est ce qu’il va intervenir.

L’analyse de l’honorable juge Parent, partagée par les juges Giroux et Schrager, relève très justement que même avant l’adoption de l’article 11.2 de la LPC en 2010, les dispositions du code civil (articles 1439, 1373) et de la LPC(articles 261 et 262) ne permettaient pas l’insertion de clause de modification unilatérale dans les contrats à durée déterminée.

En effet, l’article 1439 CCQ dispose que : Le contrat ne peut être résolu, résilié, modifié ou révoqué que pour les causes reconnues par la loi ou de l’accord des parties.

Le principe de consensualisme découlant de cet article veut que, sauf exceptions prévues par la loi, les modifications à intervenir dans un contrat se fasse avec l’accord de toutes les parties.

Cependant, le contrat peut contenir une clause de modification du contrat. Dans ce cas, l’article 1373 CCQ trouve application. Il dispose que :

« L’objet de l’obligation est la prestation à laquelle le débiteur est tenu envers le créancier et qui consiste à faire ou à ne pas faire quelque chose.

La prestation doit être possible et déterminée ou déterminable ; elle ne doit être ni prohibée par la loi ni contraire à l’ordre public. »

Du point de vue de la déterminabilité de la prestation, pour être valable, la clause de modification dans le contrat de Videotron devait être suffisamment précise pour permettre au consommateur, dès la signature du contrat, de connaître les éléments pouvant être modifiés ainsi que la nature et l’étendue de ces modifications ou à tout le moins contenir les informations nécessaires à cette détermination. Or la clause 3.9 du contrat de Videotron ne comportait aucune information en ce sens. Il s’agissait d’une clause de modification unilatérale avec une portée très large et aucune précision sur la nature des modifications pouvant intervenir.

La clause de modification unilatérale est également inopposable aux membres du groupe puisqu’elle emporte leur renonciation aux droits conférés par les articles 12 et 40 LPC, ce que prohibent les articles 261 et 262 LPC :

  1. On ne peut déroger à la présente loi par une convention particulière.
  2. À moins qu’il n’en soit prévu autrement dans la présente loi, le consommateur ne peut renoncer à un droit que lui confère la présente loi.

 

Il ressort de l’art 12 LPC que : Aucuns frais ne peuvent être réclamés d’un consommateur, à moins que le contrat n’en mentionne de façon précise le montant.

L’art 40 LPC quant à lui précise que : Un bien ou un service fourni doit être conforme à la description qui en est faite dans le contrat.

L’article 3.9 du contrat de Videotron, en permettant au professionnel de modifier le contenu de l’abonnement et d’imposer des frais supplémentaires, amenait de facto les consommateur à renoncer aux droits prévus par les articles 12 et 40 LPC, ce que prohibe les articles 261 et 262 LPC.

Il s’agit à notre sens d’une décision importante car elle met en exergue la fonction première de la LPC qui est, comme son nom l’indique, la protection des consommateurs. En effet, les contrats de consommation sont souvent des contrats d’adhésion que les consommateurs signent en général sans en prendre connaissance. N’ayant pas la possibilité d’en négocier les clauses, ils se retrouvent engagés par des contrats qui peuvent comporter des clauses abusives, comme les clauses de modifications unilatérales au profit du professionnel. Il ressort de cette décision que les règles encadrant de telles clauses varient selon que le contrat concerné est à durée déterminée ou indéterminée.

Dans un contrat à durée indéterminée, une clause de modification unilatérale sera valable dès lors que:

  • La clause précise les éléments pouvant faire l’objet d’une modification ;
  • Elle prévoit l’envoi par le commerçant d’un avis écrit comportant exclusivement la nouvelle clause et l’ancienne, la date d’entrée en vigueur et les droits du consommateur à réception de l’avis. L’avis doit être transmis au moins 30 jours avant la date d’entrée en vigueur de la nouvelle disposition ;
  • La clause de modification doit prévoir la possibilité pour le consommateur de résilier sans frais le contrat en adressant un avis au commerçant dans les 30 jours suivant la réception de l’avis de modification.

Dans un contrat à durée déterminée une telle clause, même si elle respecte les conditions précédemment énoncées, ne peut porter sur un élément essentiel du contrat tel que la nature du bien ou du service objet du contrat, le prix ou la durée du contrat.

Il est possible de soutenir que l’analyse de la Cour d’appel ne se limite pas seulement aux clauses de modification unilatérale d’un contrat d’adhésion entre un professionnel et un consommateur. Elle peut être étendue à l’ensemble des clauses du contrat de consommation. Ainsi, toute clause conduisant à créer un déséquilibre significatif entre le professionnel ou le consommateur ou conduisant ce dernier à renoncer à un droit protéger par la LPC devrait être considéré comme abusive et donc inopposable au consommateur.

En conséquence de cette décision et de ce qui vient d’être dit, il importe d’une part que les professionnels révisent les clauses de nombre de leurs contrats…

D’autre part, il importe que les consommateurs sachent qu’ils n’ont pas à se soumettre dans leurs relations contractuelles à tous les diktats des professionnels pour peu que ceux-ci aient inséré dans le contrat les liant une clause par laquelle ils s’autorisent à changer de manière importante les termes de la relation contractuelle.

Cette décision autorise à dire : Professionnels, l’abus de position dominante n’est pas admissible ! Consommateurs vous avez des droits !